La maison de l'Arbre joueur

Lian Hearn

Gallimard

  • Conseillé par
    14 octobre 2017

    Commercer avec les étrangers ou les chasser du pays, accepter les lois du shogunat Tokugawa ou rétablir le pouvoir de l'Empereur...En ce milieu du XIXè siècle, le Japon n'est pas unifié, chaque domaine protège ses frontières et sa jeunesse est prête à se battre jusqu'à la mort pour conserver ses prérogatives. C'est dans un petit village du Chōshū que vit Tsuru, fille cadette d'un médecin très apprécié. Assistante très douée de son père, elle se rêve médecin mais sa condition de femme la laisse à la porte des études. Malgré sa frustration, elle a la chance d'avoir un père tolérant et ouvert d'esprit qui ne lui impose pas un mari. Elle choisit donc de s'unir à Makino qui veut lui aussi être médecin. Ensemble, ils quittent le Chōshū et suivent les samouraïs du domaine dans leurs batailles. Makino devient médecin militaire, Tsuru l'assiste et s'occupe de ses propres patients, les ''fous'' dont personne ne veut se charger, jusqu'à ce qu'il la renvoie chez ses parents, ne voulant pas s'exposer aux moqueries des soldats. Tsuru se rebelle. Sur l'impulsion d'un de ses patients, un peintre fantasque dont elle soigne la dépression, elle se travestit en homme et sous son déguisement se fait une clientèle fidèle. C'est le début d'une nouvelle vie dans un pays en pleine mutation où les codes sont en train de changer. Aussi, allant jusqu'au bout de sa révolte personnelle, la jeune fille cède à la passion et commet un terrible adultère. Si la culpabilité ne peut troubler son intense bonheur, c'est la guerre civile qui viendra interrompre son histoire d'amour. Sans nouvelle de son amant que tous disent mort, elle retourne chez ses parents où Makino finit par venir la chercher. Ils partent à Nagasaki où il parfait ses connaissances dans l'école de médecine fondée par le hollandais Pompe. Si le chemin est encore long jusqu'à l'avènement d'un nouveau Japon, si les grands du pays n'ont pas encore fait leur choix entre le repli sur soi et l'ouverture sur le monde, rien ne peut empêcher l'avancée du progrès. Le sabre se fait supplanter par les armes à feu introduites par les étrangers, la médecine profite des progrès techniques venues d'Occident et s'adapte aux nouvelles blessures de guerre. Tsuru vit cette période de profondes mutations partagée entre terreur et espoir.

    Très documenté mais aussi très complexe, ce roman historique nous plonge dans le Japon féodal jusqu'à l'avènement de l'ère Meiji et la fin du shogunat. A travers le destin de Tsuru, jeune femme intrépide et passionnée, on suit l'évolution d'un pays qui passe du Moyen-âge à la modernité. Bien sûr, cela ne se fait pas sans heurts. Fiers de leurs traditions et les sens de l'honneur chevillé au corps, les samouraïs entendent se battre jusqu'à la mort pour préserver le pays de la colonisation. L'époque est violente, la mort presque inévitable pour un guerrier, tué dans la bataille ou suicidé s'il a failli. Dans cette société très hiérarchisée, des voix s'élèvent pour plus de justice, pour une reconnaissance des valeurs plutôt que de la naissance, pour des échanges constructifs avec les étrangers. Fermé jusqu'alors, le Japon intègre peu à peu de nouvelles techniques. Certains appellent de leurs vœux les armes, le chemin de fer, la vaccination, toutes ces choses qui font des pays comme l'Angleterre, la France ou les Etats-Unis de grandes puissances.
    Pas toujours facile à suivre, cette histoire d'amour et d'aventures n'en demeure pas moins une merveilleuse promenade dans le Japon médiéval. Lian Hearn sait si bien décrire la beauté des paysages, les sons, les couleurs et les odeurs que l'on se voit déambuler dans les rues de Kyoto, s'introduire dans une maison de thé, cheminer vers Ise ou sentir le vent marin de Nagasaki. A réserver peut-être aux passionnés.