Une putain d'histoire

Bernard Minier

XO éditions

  • Conseillé par
    29 avril 2015

    Etats-Unis, policier

    Bernard Minier est un auteur dont j’apprécie les romans et que je suis (encore) avec assiduité.

    Pour cette nouvelle histoire, il nous emmène au Nord de Seattle, dans un chapelet d’îles. Inutile de vous dire qu’il pleut tout le temps (cela m’a replongé dans l’ambiance de la série « The Killing »). J’ai aimé l’ambiance mouillée et sombre du récit.

    En revanche, j’ai moins goûté les descriptions de la nature. Mais on ne se refait pas.

    Et puis il y a l’intrigue, qui bouscule nos neurones : qui est le coupable du meurtre de la jeune fille ? Où est passée sa mère ? Et qui est vraiment le narrateur, Henry ?

    Un thriller que j’ai lu avec passion, même si j’avais toujours en tête l’identité du coupable, sans percevoir les motifs de son crime. Mais il est vrai que depuis que Mme Agatha Christie nous a fait le coup, on reste toujours un peu sur ses gardes.

    Nous avons à faire dans ces pages à un double thriller qui nous concerne tous : il y a l’intrigue principale, et il y a la surveillance gouvernementale exercée à compte personnel. De quoi faire réfléchir.

    L’image que je retiendrai :

    Celle du ferry transportant les personnages d’une île à l’autre tout au long du récit.

    https://alexmotamots.wordpress.com/2015/04/28/une-putain-dhistoire-bernard-minier


  • Conseillé par
    23 avril 2015

    Un putain de Thriller !

    Légère appréhension avant d'attaquer ce pavé : Bernard Minier va-t-il réussir à être aussi passionnant sans son duo majeur Servaz/Ziegler, Toulouse et tous les personnages que nous côtoyons depuis Glacé ? Rassuré à la fin, la réponse est définitivement oui, Une putain d'histoire est sans conteste un magnifique thriller et les cinq cent vingt pages s'avalent avidement.

    Un décor qui a tout de la carte postale durant les courts étés, à la frontière nord-ouest du Canada et des État-Unis, entre Seattle et Vancouver, mais la-dite carte a un revers de brumes, de vent et de pluie. L'atmosphère? Proche de la géniale série US The Killing, des trombes d'eau, du vent, le froid, l'océan qui engloutit et isole. Le paysage, quasi vivant, suffit à générer un sentiment d'oppression qui vire vite à l'angoisse. Un lieu un peu magique et beau, autour glissent les orques, prédateurs ultimes...Le huis-clos est planté...ou presque car une société privée d'espionnage informatique, proche de la NSA, va s'intéresser de près à tout ce qu'il se passe dans l'île et à la vie intime de ses habitants.

    Les héros ? Une bande d'ados propres sur eux, gentils, un peu obsédés par le cul et les films gores, rien d'étonnant à cet âge, sympas et liés comme les doigts de la main. Des parents comme il faut, l'image d'Épinal de la parfaite petite ville américaine. Sauf qu'il y a des failles. Les origines d'Henry d'abord. Cette famille aux deux mamans, nomade, France qui travaille chez Windows et Liv, l'autorité et la protectrice, et puis tous les petits secrets enfouis dans ces vies ordinaires qui ne demandent qu'à surgir quand les choses tournent mal. Le meurtre atroce de Naomi, ensuite va plonger toute l'île dans la consternation et la méfiance, bientôt la suspiscion. Des interstices dans les biographies, de micro-fissures qui nourrissent peu à peu le mystère et la parano et servent le ou les tueurs.

    Dès les premières lignes, j'ai retrouvé avec plaisir tout le talent de manipulateur en chef de Bernard Minier. Il sait exploiter à merveille toutes les aspérités pour brouiller le scénario, ouvrir des fausses pistes et perdre son lecteur dans des certitudes qu'il a un malin plaisir à détruire quelques paragraphes ou pages plus loin. Un illusionniste qui attire votre attention et vos émotions d'un côté pour mieux brouiller ce qu'il montre de l'autre. Un art consommé pour vous présenter la réalité sous un faux-jour, un miroir déformant et surprendre ensuite par l'image crue et nue. Aussi efficace et crédible dans ses descriptions ou dialogues entre voyous tordus ou ados anxieux, dans les scènes intenses ou les (courtes) pauses dans l'intrigue, Minier a tissé un véritable piège dans lequel il est fascinant de plonger.

    Au fil des pages, plus rien n'est lisse, plus rien n'est sûr, plus rien n'est avéré. Tout est à revoir tout le temps et les pauvres flics de l'île ne savent plus où s'accrocher pour chercher. Les indices se contredisent, les témoins sont peu sûrs, les zones d'ombre de plus en plus nombreuses. Un page turner terriblement efficace, une équation à cent inconnues qui ne sera résolue qu'à l'ultime chapitre par une surprenante et géniale explication.

    À tous ces dangers, s'ajoutent les nouvelles technologies qui permettent des traques à distance, qui s'insinuent dans notre vie la plus privée. Mises dans de mauvaises mains, elles ouvrent des possibilités inouies de contrôle de la population. Les mariages inappropriés entre états et sociétés privés dans ce secteur du renseignement occupent une part non négligeable du livre. Cette histoire qui aurait pu se dérouler à n'importe quelle époque pratiquement devient, grâce à cette intervention des personnages de Jay et d'Augustine, un scénario hyper actuel.

    Un très grand polar, original, implacable qui mène son lecteur au bout d'une putain d'histoire faite main. Impeccablement écrit, astucieusement construit, ce livre enveloppe d'une ambiance impossible à quitter, addictive. Monstrueusement puissant !

    Suite de la chronique et musique du livre sur Quatre Sans Quatre (http://quatresansquatre.com/article/chronique-livre-une-putain-d-histoire-de-bernard-minier-1429634272)